Disparition de Cecilia MANGINI à Rome le 21 janvier 2021

La première femme italienne documentariste

Photographe, cinéaste, pionnière du documentaire, esprit libre, frondeuse, éprise de justice.

"L’aventure du cinéma de Cecilia, toujours partagée avec Lino Del Fra, son mari, compagnon de vie et de travail, se fait narration d’une bataille politique et culturelle menée avec courage dans une période qui, surtout au cinéma, fut une des plus vitales de l’histoire italienne. Cecilia vit son travail comme un défi ouvert, dans la conviction que le cinéma devait devenir le terrain de cette lutte contre le conformisme des idées et la résignation des politiques… ».

Texte de Gianluca Sciannameo, extrait du catalogue du Festival des films de femmes de Créteil, édition 2011.  Une rétrospective présenta cette œuvre pour la première fois en France.

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Cecilia Mangini naît le 31 juillet 1927 à Mola di Bari, dans les Pouilles, région pauvre et agricole du sud de l’Italie. En 1933, contrainte par la crise économique, sa famille part s'installer à Florence. C’est l’époque du fascisme mussolinien.

En 1952, Cecilia Mangini effectue son premier reportage photographique à Lipari (le labeur et les gestes des ouvriers dans les carrières de pierre ponce).

A partir de 1958, Cecilia se consacre au cinéma documentaire. Elle réalise « Ignoti alla Città » (ignorés par la ville), en filmant les bidonvilles de la périphérie de Rome et les jeunes désœuvrés dont Pier Paolo Pasolini avait fait le portrait dans son roman Le Ragazzi di Vita. Le film est censuré pour incitation à la délinquance.. Cecilia fait la connaissance de Pasolini avec qui elle travaille ensuite à plusieurs reprises.

En 1959, Cecilia réalise le documentaire Maria e i Giorni, c’est le portrait d'une femme, paysanne dans sa région natale des Pouilles. En 1962 elle s’attaque à l’histoire documentaire du fascisme, et réalisa avec son mari « Allarmi siam fascisti ». Le film fut censuré par le gouvernement italien, car il montrait les liens du fascisme avec le Vatican.

En 1965 elle aborde le sujet des femmes italiennes et de la manière dont elles vivent et travaillent en ville comme à la campagne, sous la contrainte et l’oppression d’une culture patriarcale. Elle filme dans « Essere Donne » des témoignages poignants et montre à quel point les femmes résistent à cette loi de l’obéissance et du silence. En 1977 elle écrit et réalise avec son mari un film engagé sur les années de prison de Gramsci «Antonio Gramsci- I giorni del carcere ». Elle obtient un Léopard d’or au festival de Locarno.

Par la suite son œuvre est peu à peu oubliée avant que la jeune génération de cinéastes documentaristes italiens s’y intéresse à nouveau depuis 2010. Peu avant sa mort Cecilia Mangini avait entrepris, avec son directeur artistique Paolo Pisanelli, un documentaire sur Grazia Deledda, seule femmes de Lettres italiennes à avoir obtenu le prix Nobel de littérature en 1926.