La reconnaissance de la pratique du sport pour les femmes et les filles, et encore plus leur participation à des compétitions sportives a été le résultat d’un combat intense contre la société patriarcale française, combat mené par Alice Milliat, complètement oubliée jusqu’à très récemment.

Au début du XXe siècle, pour empêcher les femmes et les filles de faire du sport, la société misogyne utilise des arguments médicaux : les gestes et efforts violents pourraient les blesser, si ce n’est pire : les rendre stériles ! Et esthétiques : perte de leur féminité, indécence de la tenue vestimentaire. La gymnastique seule est tolérée car elle apporte élégance et légèreté.

Alice Milliat, née en 1884, à Nantes, découvre une tout autre image du sport lors d’un séjour comme préceptrice en Angleterre, en 1903. Elle est aussi témoin du combat des suffragettes.

Revenue à Paris et pour continuer à pratiquer l’aviron, elle rejoint l’un des premiers clubs sportifs féminins français, le Fémina Sport créé en 1911, qui ne propose alors que la gymnastique rythmique et dansée.

Alice Milliat va n’avoir de cesse de combattre pour 3 objectifs :

  1. Promouvoir le sport pour les jeunes filles et les jeunes femmes car c’est bénéfique pour leur santé, leur bien-être et leur épanouissement personnel. Elle a aussi la vision que les sports peuvent aider à l’évolution intellectuelle et sociale des femmes et à un meilleur équilibre entre femmes et hommes.
  2. Organiser des fêtes et compétitions sportives féminines afin de le démontrer et de donner envie aux filles et aux femmes de pratiquer un sport.
  3. Faire intégrer des épreuves féminines aux Jeux olympiques, particulièrement dans la discipline reine, en athlétisme.

Devenue présidente de Fémina Sport en 1915, elle en augmente les activités avec l’athlétisme, le hockey, le basket-ball, le football ou encore la barrette, version adaptée du rugby. 

Elle organise des compétitions sportives féminines : le premier championnat de France d’athlétisme féminin puis le premier match de football féminin. En 1919, elle participe à la création de la Fédération des sociétés féminines sportives de France (F.S.F.S.F.). Elle en devient la première présidente. Puis, en 1921, elle crée la Fédération sportive féminine internationale (F.S.F.I.).

Elle vise les Jeux olympiques alors que pour Pierre de Coubertin, c’est impossible : « une olympiade féminine serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte ».

Devant le refus du Comité international olympique (CIO) d’intégrer des épreuves féminines dans le programme d’athlétisme, la F.S.F.I. organise ses premiers Jeux : « Nous allons prouver que nous sommes capables de conduire nous-mêmes nos destinées. » 77 sportives de 5 pays participent devant plus de 20 000 spectateurs et spectatrices. Nouveau refus du CIO en 1924. La F.S.F.I. organise une deuxième édition de ses jeux, les Jeux mondiaux féminins, en Suède. Devant leur succès, le CIO veut prendre en main le sport féminin. Il propose une participation féminine à cinq épreuves d’athlétisme et invite Alice Milliat à intégrer le jury olympique de l’athlétisme. Mais Alice Milliat veut une participation totale. Il y a débat au sein de la F.S.F.I.  

Pour la première fois, quatorze épreuves féminines seront disputées dans quatre sports et 277 athlètes femmes participeront aux JO de 1928.

Alice Milliat maintient la pression sur le CIO en continuant à organiser à deux reprises des Jeux mondiaux féminins avec à chaque fois 270 participantes de près de 20 pays.

Après la crise de 1929, le CIO revoit à la baisse le nombre des épreuves ouvertes aux femmes pour 1932 et Alice Milliat n’est plus invitée à siéger dans le jury ! Elle reprend donc « l’idée d’organiser des Jeux féminins mondiaux comportant tous les genres d’activité sportive féminine… ».

Mais malade, elle quitte ses fonctions en 1936. Les fédérations nationale et internationale ne survivront pas à son départ.

Alice Milliat poursuit son existence dans l’anonymat et meurt en 1957. Mais sa lutte porte ses fruits et lentement les femmes accèderont aux activités sportives.

Il faut cependant attendre 2007 pour que le CIO émette la première directive pour la parité femmes/hommes.  Elle était de 48 % à Tokyo en 2020.

Pour la première fois, en 2024, il y aura une parité stricte parmi les athlètes engagé·es aux JO de Paris. Et une des nouvelles structures construites pour les Jeux olympiques de Paris portera le nom d’Alice Milliat.

Article de Claire Desaint, paru dans la Revue de l’association Les Malouines.